dimanche 6 mars 2011

Quelle est belle la Justice ! (6)

Deuxième partie – Les dysfonctionnements de la justice (5)

9- Éthique des magistrats
Lors d'un colloque international, un magistrat procureur de Bayonne aurait subtilisé la carte bancaire d'une collègue allemande pour se rendre dans un « lieu de prostitution ».
L'éthique des magistrats, la déontologie du parquet : tels étaient les sujets de prédilection du procureur de Bayonne dans les colloques internationaux. En mai dernier, Pierre Hontang participait à la 5e Conférence des procureurs généraux d'Europe, à Celle, en Basse-Saxe (Allemagne). Une rencontre prestigieuse, organisée par le Conseil de l'Europe, en marge de laquelle le magistrat aurait singulièrement dérapé. Pierre Hontang, 47 ans, est soupçonné de s'être rendu dans un «lieu de plaisir» où les prestations féminines sont tarifées entre 100 et 300 euros. L'affaire aurait pu rester cantonnée au domaine de la vie privée. Mais l'enquête en cours semble indiquer que, pour s'offrir cette escapade, le procureur de Bayonne avait subtilisé la carte bancaire d'une collègue allemande. Avant d'être révélée hier par Le Parisien, l'affaire avait été traitée très discrètement.
Selon une version de l'histoire, Pierre Hontang, insatisfait des prestations, se serait fait remarquer par la direction de l'établissement, qui aurait réalisé que la carte de crédit dont il se servait ne lui appartenait pas. Une plainte pour vol a été déposée en Allemagne par la propriétaire de la carte bancaire et l'enquête a permis d'identifier le magistrat. Côté français, une information judiciaire a été ouverte depuis un mois à Strasbourg, juridiction limitrophe de l'Allemagne.

En attendant les résultats de ce volet pénal, le garde des Sceaux, Dominique Perben, a demandé une suspension temporaire de six mois du procureur. Le Conseil supérieur de la magistrature doit se prononcer rapidement.
Marié, père de deux enfants, Pierre Hontang avait pris ses fonctions en juillet 2002 à Bayonne après avoir dirigé les parquets de Guéret (Creuse) et du Puy (Haute-Loire). Bayonne est considéré comme un poste sensible, où le parquet voit passer les dossiers du terrorisme basque avant qu'ils ne soient centralisés à Paris.

«Pierre Hontang, c'est un magistrat très classique, plutôt du genre à avoir le vent en poupe en ce moment», commente l'une de ses collègues. L'homme a également laissé un souvenir très correct à l'Ecole nationale de la magistrature à Bordeaux, où il a enseigné comme maître de conférences de 1992 à 1994.

L'éthique est un thème à la mode dans la magistrature. Lors d'une précédente rencontre européenne, le procureur de Bayonne avait été chargé de rédiger un code de déontologie. «Les principes directeurs de ce code ne concerneront pas les seuls comportements professionnels tant les conduites observées dans la vie privée ont une incidence sur l'image du ministère public», avait alors lancé le parquetier à la tribune...

Stupéfaction et consternation se mêlaient hier dans les milieux judiciaires. «Les faits semblent tellement énormes que la première réaction est de croire à une mauvaise blague», soupire un responsable syndical. Ces dernières années, quelques individus se sont fait remarquer pour leurs écarts de conduite, plus ou moins graves, parmi les quelque sept mille membres du corps judiciaire. Le cas de Michel Joubrel, figure archiconnue du monde judiciaire, a laissé un souvenir pénible. Ce haut magistrat versaillais, ancien du CSM, a été mis en examen pour avoir stocké dans son ordinateur plus de cinq mille images pédophiles et les avoir échangées avec d'autres internautes. Le CSM a prononcé sa mise à la retraite d'office. Le dossier d'un juge grenoblois, auteur de photos «artistiques», selon ses termes, de jeunes filles légèrement vêtues s'est, lui, soldé par un non-lieu. Ce magistrat, Francis Carle, a été muté à Sarreguemines (Moselle). Cependant, ces dérives individuelles laissent des séquelles moins profondes dans le corps judiciaire que des affaires qui mettent en cause le fonctionnement même de l'institution, tel le dossier d'Outreau.

L’homme qui rend des comptes à la justice est magistrat
Le juge pour enfants comparaît devant le CSM pour  « Agression sexuelle sur mineurs par personne ayant autorité ».
Le juge pour enfants Philippe Chenet comparaissait le 20 avril dernier devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) saisi par le garde des Sceaux. le cumulard est mis en examen depuis mars 2003 pour « agression sexuelle sur mineurs par personne ayant autorité ».Est ce pour préserver la juridiction ou le magistrat, toujours est il que le CSM avait opté pour une interdiction temporaire d'exercer.
L’affaire débute en juillet 1994 le magistrat encadre une colonie de la SNCF à Carteret, dans la Manche. C’est un matin, que deux jeunes garçons d'une douzaine d'années vont voir une monitrice, et racontent qu'un homme a fait irruption dans leur tente pendant la nuit, et leur a fait subir des caresses. Eblouis par une lampe torche, ils n'ont pas identifié immédiatement leur agresseur mais en donnent une description sommaire qui correspond à l'adjoint du directeur. Lorsque le directeur Philippe Chenet revient à la colo, après une course en ville, la monitrice a consigné les accusations par écrit. Elle en informe le magistrat directeur qui curieusement se met immédiatement en colère, tape du poing sur la table, menace les enfants, et va même jusqu'à en gifler un. Devant ses pairs, le magistrat se justifiait : « J'ai voulu faire prendre conscience à Arnaud et Olivier de la gravité de leurs accusations. Si c'était un délire d'enfant, il fallait qu'ils le disent tout de suite. Avant que j'alerte les responsables de la SNCF, leurs familles, les gendarmes.»
A l’époque le juge directeur décide de passer sous silence l'affaire, mais un des enfants en parle à ses parents à son retour de vacances ; et le père écrit aux responsables de la SNCF. Mais les choses en restent là. Silence pendant 4 ans jusqu'en 1999. C’est lors d'une psychothérapie, que les faits resurgissent ; les deux garçons sont amenés à se revoir, en rediscutent, et arrivent à la conclusion que le coupable était le directeur du centre. Une enquête préliminaire est diligentée à Cherbourg pour aboutir en mars 2003 à la garde à vue, puis à la mise en examen de Philippe Chenet qui est confronté à ses accusateurs. Maintenant face au CSM, le juge animateur développe un rapport de 35 pages où il insiste sur, l'absence de preuves, la fragilité psychologique d'Olivier, qui serait, à son avis, l'auteur des attouchements sur son camarade.
Fouilles à corps douteuses
Dans son réquisitoire, le représentant de la chancellerie Patrice Davost, balaie ces explications. Il rappelle un épisode peu glorieux de la carrière du magistrat Philippe C. Entre 1989 et 1992. Juge pour enfants à Tours, il pratiquait d'étranges fouilles à corps, décrites par des enfants, des collègues, des greffières... Soi-disant pour rechercher drogue ou objets volés, en se déclarant couvert par le code de procédure pénale. « Comment pourrait-il vous convaincre qu'il croyait de telles pratiques autorisées ? Que dire du processus mental qui le conduit à un déshabillage partiel ou intégral de mineurs dans les locaux d'archives du tribunal ? » interroge le représentant de la chancellerie. Après un avertissement, Philippe Chenet se voit alors prié de demander sa mutation. Il passe à Créteil puis Arras, hors des tribunaux pour enfants. Mais comble de tout, continue l’encadrement de colonies de vacances. Patrice Davost souligne l'étrangeté de sa réaction, ce samedi de 1994 : « Il traite les enfants de menteurs et n'alerte personne. » Pour lui, il n'y a pas de place pour le doute, et il réclame la révocation du magistrat. Décision le 30 avril.

Le CSM refuse de révoquer le juge soupçonné de pédophilie
30 avril 2004 la décision :
La formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a refusé de révoquer, comme le demandait le ministère de la Justice, un juge mis en examen pour des faits présumés de pédophilie.
Philippe Chenet-Bresteau, vice-président du tribunal de grande instance d'Arras (Pas-de-Calais), a été mis en examen pour "attentat à la pudeur et agressions sexuelles sur mineurs de moins de quinze ans" pour des faits qui se seraient déroulés à l'été 1994, alors qu'il assurait la direction d'un centre de vacances pendant ses congés.
Il reste toutefois suspendu de ses fonctions en attendant le résultat définitif de la procédure judiciaire. Il percevra son salaire.
Le ministère voulait le chasser de la magistrature en faisant remarquer qu'il avait déjà fait l'objet d'une mutation forcée en 1991, après avoir été accusé d'attouchements sur des mineurs dans l'exercice de ses fonctions de juge des enfants à Tours, entre 1989 et 1991.
Le magistrat estime que les faits les plus anciens ont déjà été sanctionnés par la mutation et nie les accusations concernant les faits de 1994. Le CSM a demandé un « supplément d'instruction disciplinaire », c'est-à-dire qu'il va mener sa propre enquête.

Ne serait-il pas temps que les juges et les magistrats commencent à enlever la poutre dans leur œil au lieu de regarder la paille dans celle de certains de leurs prévenus ?!
La meilleure justice ne commence-t-elle pas par soi-même ?!

Après tout ce qui précède, on pourrait tourner un téléfilm : « Plus belle la Justice » !